Dans notre monde rapide, comme une fusée, j’ai souhaité prendre des nouvelles du concept « Slow » auprès de Carl Honoré.
Parrain de l’Atelier de Charenton, auteur de « Lenteur, mode d’emploi », noyau central du Slow Mouvement, défenseur du ralentir pour mieux vivre, Carl a bien voulu répondre à mes questions.
Carl Honoré, pouvez-nous dévoiler votre projet le plus original du moment ou, celui à venir ?
Je suis en train d’écrire un livre qui parle de notre rapport à la vieillesse. Le culte de la jeunesse est devenu incontrôlable. Jusqu’à présent, mon travail a reposé sur l’idée que « plus vite n’est pas forcément mieux » ; désormais, le message de ce nouveau livre est « plus jeune n’est pas forcément mieux ».
Je travaille sur une nouvelle application de messagerie « Jack » dans laquelle la personne qui envoie un message choisit le moment auquel le destinataire peut l’ouvrir – le délai peut courir d’une heure jusqu’à l’infini. Il s’agit d’utiliser Internet pour encourager une satisfaction plus tardive et la joie d’espérer de nouvelles choses.
Grâce à vous, l’Atelier de Charenton prône la valeur « Slow » (s’accorder le droit de choisir son rythme de vie). Pouvez-vous nous donner des nouvelles de ce mouvement planétaire ? Concrètement, comment évolue t-il ?
Je suis époustouflé par la façon dont la Slow Revolution s’est développée. Quand j’ai commencé à réfléchir à l’idée d’un « mouvement Slow », les choses commençaient tout juste à se mettre en place, de façon inaperçue. Maintenant, le Slow est devenu conventionnel. Partout, les gens utilisent le Slow pour repenser ce qu’ils font et le faire mieux. En marge des grands classiques comme la Slow food et les Slow cities, il y a maintenant de nouveaux mouvements Slow autour des voyages, du design, de la rédaction, la science, la parentalité, de l’éducation, des intérieurs, de la recherche, de l’escalade, des parcs, des bibliothèques, de la sexualité, de la technologie, de l’art et tant d’autres. Cela concerne même des publics dont on n’imagine pas qu’ils adoptent le Slow : regardez par exemple la Slow Fashion. J’aime aussi la façon dont les gens trouvent des moyens pour être sur le Web sur la fibre Slow. Regardez les applications de méditation et de mindfulness, ou encore à la façon dont les créateurs de logiciels fabriquent des jeux imprégnés d’une esthétique Slow.
Je suis régulièrement contacté par des étudiants qui consacrent leur thèse à certains aspects du Slow. Chaque jour, je reçois des emails de personnes du monde entier qui me racontent comment le Slow a changé leur vie, leur carrière, leur famille, leur entreprise pour le mieux. Nous avons tous peur de décélérer, cela nous donne donc confiance de voir les autres ralentir et en récolter les bénéfices. Les retombées sont vraiment en train de se mettre en place.
Ceci dit, bien sûr, la vitesse et l’accélération demeurent le paradigme essentiel de notre culture. Aujourd’hui, un contre-courant du Slow prospère.
Pouvez-vous nous donner un exemple d’expérience Slow, qu’il serait utile de dupliquer ?
J’ai rencontré il y a peu de temps le proviseur d’une école au Pérou où chaque journée de cours débute par cinq minutes de silence durant lesquelles les élèves lisent le livre de leur choix. Cela apporte une sérénité incroyable et de la concentration pour la journée.
Avec les enfants, est-on toujours dans la course à la performance ou fait-on des progrès ?
La situation s’améliore. De plus en plus de gens réalisent que les enfants ont besoin de temps et d’espace pour explorer le monde dans leurs propres conditions : c’est comme cela qu’ils apprennent à penser, inventer et socialiser, à prendre du plaisir à faire les choses ; à définir ce qu’ils sont plutôt que ce que l’on attend d’eux.
Donc, toutes les villes en Amérique du Nord organisent désormais des « slow-down days » (des journées au ralenti, NDLR) officielles, où toutes les activités extra-académiques et les devoirs sont annulés pour donner aux enfants du temps pour se reposer, jouer, se balader, vivre leur vie d’enfant. De Toronto à Tokyo, les écoles allègent la charge de travail à la maison ; à Singapour le système éducatif a été réformé en profondeur pour consacrer plus de temps à la réflexion et insister sur le bien-être et l’aptitude émotionnelle. Le doyen d’Harvard a même rédigé une lettre ouverte aux étudiants vantant les avantages d’agir moins et de se reposer plus. Son titre : « Ralentissez ». Dans les familles, on réduit les technologies et les activités extra-académiques pour donner aux enfants plus de temps pour jouer, rêver, explorer, s’ennuyer aussi.
Qu’est-ce qu’un atelier « Slow », pour enfants ? Pouvez-vous fermer les yeux et nous le décrire ?
C’est un endroit où il n’y a aucune échéance. Un endroit où les enfants explorent, apprennent et interagissent à leur propre rythme. Un endroit où il n’y a pas de bonnes réponses. Un endroit où les enseignants éduquent avec légèreté. Un endroit où la curiosité est reine. Un endroit où les enfants aussi enseignent et apprennent les uns des autres. Un endroit baigné de lumière naturelle avec plein de beaux objets à regarder et toucher. Un endroit sans danger mais aussi ouvert sur la communauté.
Cela ressemble à l’Atelier de Charenton:-)… L’Atelier de Charenton fête ses 10 ans. Quel est votre message ?
La meilleure façon pour les enfants de s’épanouir dans le rythme accéléré du monde est de ralentir. La patience reste encore une vertu.
Je vous remercie, Carl, d’avoir bien voulu répondre à mes questions (en français), dans un délai très court:-)
Avec les visiteurs de l’Atelier de Charenton le blog, nous espérons avoir régulièrement de vos nouvelles et attendons avec impatience votre prochain livre !
Propos recueillis par Sandrine Sananès. Traduction Raphaelle Sananès.
Carl Honoré a un site web en anglais, dont le slogan est Less Frantic, More Flow. C’est difficile de traduire mot à mot en français. Je dirais : moins de frénésie, plus de bonheur 🙂
Tout un programme que vous pouvez découvrir, en suivant Le lien http://www.carlhonore.com