Depuis deux ans, Valérie, infirmière au sein d’un CAMSP (Centre d’action médico-social précoce) rattaché à l’hôpital, initie un atelier de peinture libre pour des enfants âgés de 0 à 6 ans, présentant des troubles du développement. Chaque semaine, en petits groupes de trois ou quatre, elle accompagne ces jeunes enfants dans leurs jeux de peinture.

L’objectif de cet atelier est simple : aider les enfants à s’épanouir par le biais du Geste de peindre, une méthode qui valorise la libre expression, sans pression de résultat, tout en respectant le rythme et les capacités de chacun. Cette méthode met l’accent sur l’importance du mouvement et de la gestuelle dans le processus de création, plutôt que sur la représentation ou la technique. L’enfant est invité à exprimer ses ressentis et sa vision du monde de manière spontanée, ce qui est particulièrement bénéfique pour ceux ayant des difficultés relationnelles ou comportementales.

Pour pouvoir participer, l’enfant doit être capable de comprendre une consigne simple, ce qui permet de garantir une certaine fluidité dans l’accompagnement. Chaque séance est donc adaptée à son rythme, et Laurence s’assure de lui offrir un cadre sécurisant et bienveillant.

Formée à cette méthode, Laurence bénéficie également de ma supervision dans le cadre de ce projet. Deux fois par an, je me rends sur place, en septembre et en juin, pour observer l’évolution de l’atelier. Ces moments de partage sont l’occasion de faire le point sur les points à améliorer. Lors de ma dernière visite, nous avons travaillé sur plusieurs aspects essentiels pour améliorer l’accompagnement des enfants et affiner les pratiques :

L’arrivée de l’enfant : il est primordial de marquer une transition claire pour l’enfant lorsqu’il arrive à l’atelier, afin qu’il se sente en sécurité et préparé à l’activité.

La prise de la feuille : donner à l’enfant une autonomie dans la manipulation du matériel, tout en respectant des gestes précis.

Engager la libre expression : inciter chaque enfant à se lancer sans crainte, en valorisant ses choix et ses gestes.

L’attention équitable : accorder une attention individuelle à chaque enfant sans faire de distinction, pour éviter toute forme de compétition.

Canaliser les comportements : savoir gérer les moments où un enfant est distrait ou cherche à quitter l’atelier, tout en maintenant son intérêt pour l’activité.

Motivation : encourager les enfants à revenir à l’action, même lorsqu’ils montrent des signes de frustration ou de distraction.

Le langage non verbal : utiliser des gestes et des mimiques pour exprimer des encouragements, surtout pour les enfants qui ont du mal à s’exprimer verbalement.

Valorisation : reconnaître discrètement les progrès de chaque enfant au moment opportun, afin de stimuler leur motivation.

Proposer un choix : offrir à l’enfant la possibilité d’arrêter ou de poursuivre sa peinture, en respectant son autonomie.

Lâcher prise sur la perfection : accepter que le matériel ne soit pas toujours parfaitement organisé et que l’essentiel reste dans la démarche créative.

Si le matériel est important, c’est l’humain qui reste au centre de l’atelier. L’enfant cherche avant tout l’attention et l’affection authentique de l’adulte qui l’accompagne. Cela permet de créer un environnement où il se sent à l’aise pour explorer et s’exprimer librement.

Après quelques mois d’ateliers, Laurence a partagé un retour touchant sur les progrès des enfants : « C’est vraiment impressionnant de voir l’évolution des enfants dans l’atelier de peinture du centre social. Ils s’affirment, s’expriment, se concentrent et entrent en contact les uns avec les autres. Leurs tableaux ont également changé. Les signes universels que vous nous avez appris en formation se retrouvent sur la plupart des feuilles. De l’avis de l’équipe soignante, cette pratique aide les enfants aux besoins spécifiques. »

L’équipe soignante du CAMSP observe également les bénéfices de cette approche, en notant que l’atelier de peinture aide les enfants à mieux gérer leurs émotions, à développer leur attention et à créer des liens avec les autres. Cette collaboration entre Laurence, l’équipe soignante et les enfants montre bien que l’atelier fait partie d’un suivi thérapeutique global, et non d’une activité isolée.

À la fin de notre rencontre, Laurence m’a posé une question qui revient souvent : « Que dire aux parents pour leur présenter mon projet ? Et que deviendront les peintures des enfants si, malheureusement, ils doivent être orientés vers un IME (Institut Médico-Éducatif) ou une autre structure ? »

Pour répondre à cette dernière question, il est important de rassurer les parents sur la continuité de la démarche, que ce soit au sein du CAMSP ou dans une autre structure. Les œuvres des enfants peuvent être conservées comme témoignages de leur évolution et de leur expression personnelle, permettant ainsi de suivre leur parcours créatif. Ces tableaux deviennent des marqueurs de l’évolution de l’enfant, de ses progrès, et peuvent être très précieux, même dans le cadre d’un suivi à long terme dans une autre structure. Les parents doivent comprendre que chaque tableau est une étape dans le développement de l’enfant, une manière de capturer son monde intérieur à travers la peinture, quel que soit le lieu où il se trouve ensuite.

Ainsi, l’atelier de peinture est un moment de créativité et une thérapie en soi, pour les enfants en difficulté. Il leur offre un espace d’expression et de progression, tout en leur apportant l’attention et le soutien dont ils ont besoin.